La digitalisation est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Le sujet ne date pourtant pas d’hier et les plus visionnaires d’entre nous s’y intéressent déjà depuis quelques années. Une personne en particulier a su s’imposer comme la référence en la matière : Aline Isoz.
Après un début de carrière dans la communication, Aline décide de suivre son instinct en se mettant à son compte. C’est en 2010 qu’elle crée Blackswan, une des premières agences de conseil sur la transformation digitale.
Sa mission : “Réduire la fracture numérique afin que personne ne soit laissé pour compte”
Pour la mener à bien, elle s’engage sur tous les fronts : exploration du rôle de l’État dans la transformation digitale avec eGov, rédaction d’articles pour Bilan, tenue d’un blog “Femmes digitales” pour Le Temps et création d’une seconde entreprise de conseil nommée alineisoz.ch.
Naturellement, j’ai eu envie de rencontrer celle qui a su devenir la figure de proue de la digitalisation en Suisse pour décortiquer avec elle la recette de son succès.
Voici pour vous ses conseils !
Robin von Känel : Vous avez du succès dans un secteur très compétitif. Pourquoi avoir choisi la digitalisation ?
Aline Isoz : Je me suis rendu compte qu’il y avait un truc qui bruissait et qui s’appelait Digital Transformation. J’ai fait quelques recherches sur Google Trends en Suisse et j’ai vu qu’il n’y avait rien. J’ai fait des recherches sur LinkedIn et il n’y avait personne. Comme j’adore les zones blanches, je me suis dit qu’il y avait une zone à occuper alors j’ai planté mon drapeau et je suis devenue “Madame Digitalisation” en Suisse romande.
Votre marque personnelle est très maîtrisée. Est-ce réfléchi ?
J’ai envie de dire oui et non. J’ai un background de communication marketing et relations publiques. J’ai travaillé pendant cinq ou six ans dans des agences de communication, au service de clients ou comme indépendante. C’est devenu un processus interne, une façon de réfléchir, une hygiène personnelle. J’ai l’impression que c’est intuitif, mais dans les faits cela ne l’est pas. Je me pose des questions en relation avec le métier que j’ai appris : audience? message? contenu? cible? positionnement?
Comment cette réputation impacte-t-elle votre vie professionnelle ?
L’impact que je n’avais pas forcément mesuré c’est que, comme je suis une femme, je me retrouve à l’insu de mon plein gré comme une espèce de role model : une femme qui, sans formation technique, a réussi à s’imposer dans un monde à priori technique. Et d’un coup je porte des espoirs, des attentes.
Vous tenez un blog sur les femmes digitales sur Le Temps. Pourquoi est-ce important pour vous ?
Je me rends compte que quand on a une certaine influence, on peut accepter ou pas d’avoir une certaine responsabilité qui va avec. Je choisis mes causes en fonction d’affinités personnelles. Les femmes digitales c’en est une, mais ce n’est pas la seule. La démarche de mettre mon image au service de causes qui me tiennent à cœur, cela me correspond assez bien.
Comment faire en sorte d’allier plusieurs occupations tout en projetant une image claire et compréhensible ?
Je pense que mon image est authentique. C’est là que je pense avoir fait un assez bon travail. C’est ma façon d’être. Je n’ai jamais triché. Je n’ai jamais vendu quelque chose que je n’étais pas. Je suis quelqu’un d’intéressé par plein de sujets. Je n’ai jamais voulu me cantonner à une seule chose, à une étiquette. Souvent on dit qu’il faut choisir un axe et s’y tenir. Mon axe à moi c’est d’être fidèle à moi-même, alors forcément cela donne l’impression que je suis un 4×4. Mais c’est la réalité. Quand les gens me rencontrent, ils retrouvent la même chose qu’ils ont vue en ligne, c’est à dire un truc qui part un peu dans tous les sens mais qui est cohérent de par ses valeurs.
Quels sont vos 3 conseils pour devenir l’expert n°1 de son domaine en Suisse ?
L’authenticité est très importante. Travailler comme cela demande un grand engagement, de la constance, de la régularité. Si vous n’êtes pas sincère dans la démarche, vous ne tiendrez jamais dans la durée. La cause qu’on choisit, il faut la porter viscéralement, c’est ce qui donne la force. Il faut être au clair avec la raison qui vous pousse à faire cela, l’argent n’en étant pas une.
Ensuite, on doit une forme de reconnaissance et de relation non univoque à sa communauté. L’effet pervers du succès c’est qu’il vous oblige à garder du temps pour les gens qui en sont à l’origine. On ne peut pas juste pomper une audience sans jamais rien lui rendre. La communication ce n’est pas seulement un post sur LinkedIn avec 15’000 likes. Il y a tout ce travail de bûcheron à l’arrière pour respecter sa communauté.
Il faut finalement être conscient de ce que cela implique de créer une marque personnelle. Ce n’est pas juste funky pour s’installer sur un marché. Ce n’est jamais acquis. Vous êtes à la merci de n’importe quel faux pas. Plus vous êtes visibles, plus vos incohérences vont être pointées.
Vous communiquez très activement sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Ils offrent un potentiel de mise en relation qui n’existait pas avant. Aujourd’hui, plus personne n’est inaccessible. C’est ce que j’aime bien : réfléchir à des manœuvres subtiles d’approches et comment mettre à profit les différents canaux pour approcher différemment de nouvelles personnes.
Vous êtes active sur tous les médias sociaux, avec une communication spécifique à chacun. Comment choisir le média le plus adapté à une publication ?
Mon réflexe en tant que communicante, c’est de dire que ce n’est pas l’audience qui s’adapte à toi, mais toi qui dois t’adapter à ton audience. À partir du moment où j’ai une certaine audience sur Facebook qui n’est pas la même que sur LinkedIn, je vais adapter le message. Comme je n’ai pas les mêmes personnes sur LinkedIn, Facebook, Twitter ou Instagram, je vais amener à chacun ce que je pense qui a le plus de sens pour lui.
Quels sont vos 3 conseils pour avoir une communication en ligne efficace ?
Premièrement, ne pas forcément subir ce qui se passe dans notre écosystème et d’aller chercher l’information ailleurs. Il s’agit d’éviter l’effet bulle, de partager ce qui se partage déjà. Il faut faire de la veille pour chercher de l’information extérieure à ses réseaux.
Le deuxième conseil est tout simple : lire. Il faut vraiment lire l’entier d’un contenu avant de le partager ou le faire passer plus loin. C’est une question de crédibilité. Réagir à un contenu c’est comme mettre son stempel “lu et approuvé”.
Sinon il n’y a pas vraiment de règle en matière de forme. Il y a des choses qu’on peut partager telles quelles et d’autres qui nécessitent une explication ou mise en contexte. Là où j’ai de la peine, c’est quand des gens ne partagent jamais rien qui vienne de tiers, ne likent jamais rien qui vienne de tiers, qui s’auto-likent ou repartagent quinze fois leur propre contenu. C’est très important de jouer le jeu, de partager avec la communauté, de lui amener de la valeur ajoutée.
Il y a également un besoin de cohérence. Si on suit ma ligne, il peut y avoir des articles
qui parlent de sujets divers. Mais la majorité, le 80% va traiter de mon sujet de prédilection qu’est la transformation digitale. Si je mets un article différent, j’explique pourquoi je le partage.
Les réseaux sociaux ont beaucoup évolué durant les dernières années. Quel en sera le rôle dans quelques années selon vous ?
Je ne sais pas. Je crois que c’est la communauté qui modèle les outils et pas les outils qui modélisent la communauté. Il y a une sorte de responsabilité partagée. LinkedIn n’est d’ores et déjà plus un portefeuille de CV, il deviendra ce que l’on en fera. Les réseaux sociaux reflètent l’intelligence qu’on mettra dans leur utilisation.
À retenir :
Aline Isoz a su repérer rapidement un nouveau secteur tendance et se positionner dessus. Sans pour autant renier son parcours ou faire des compromis au niveau de son authenticité. Une réflexion rigoureuse autour de sa marque personnelle lui a permis de définir le positionnement optimal pour atteindre ses objectifs.
Fine plume, Aline Isoz a de la facilité à produire du contenu. Mais cela ne suffit pas à expliquer son succès. Ses communications s’ancrent dans une solide réflexion au sujet de ses audiences. En effet, un discours implique un auditoire. Comprendre qui il est, ce qu’il aime et où le trouver est primordial afin de lui délivrer un message personnalisé et porteur de valeur.
Dans une communication il y a un émetteur, mais surtout un récepteur. Pour paraphraser Kennedy : Ne vous demandez pas ce que vos audiences peuvent faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour vos audiences !